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La délirante conférence de presse des Stones, comme si vous y étiez !
REPORTAGE. Oubliez leur âge, les Rolling Stones sont de retour, en pleine forme. Ils l'ont prouvé dans une courte rencontre avec la presse à Londres. Du rock, du vrai ! Satisfaction !
Par notre envoyée spéciale à Londres, Aurélie Raya - Le Point
Ron Wood, Mick Jagger et Keith Richards, les Rolling Stones ont lance leur nouvel album a Londres << Hackney Diamonds >>.
Ron Wood, Mick Jagger et Keith Richards, les Rolling Stones ont lancé leur nouvel album à Londres « Hackney Diamonds ».
DANIEL LEAL / AFP
Une émotion palpable, intense. Lorsque Mick Jagger, Keith Richards et Ron Wood sont apparus sur la scène du Hackney Empire, à 14h30 pile heure locale, la foule de journalistes a sifflé de plaisir. Les voir de si près, ensemble, vivants, souriants, a fait l'effet d'une décharge d'adrénaline. Accueillis par le monsieur loyal du jour, l'ami américain animateur de talk-show Jimmy Fallon, ils ont salué, se sont posés sur leur siège, chacun son verre d'eau, l'époque se veut sage.
Premier album en 18 ans, quelle drôle d'idée de renouer avec la composition, les enregistrements, la vie d'artiste. Jagger est le plus loquace, le plus remuant, Keith Richards le plus ironique, Ron Wood le plus lunaire. « Hackney Diamonds », donc. Les Stones ont choisi pour titre de leur album une référence à ce quartier de la capitale britannique pour rappeler leurs racines, leur attachement à Londres. Maigre explication, mais le sujet est vite expédié.
Le disque a été concocté rapidement, écriture en décembre 2022, enregistrement en janvier en Jamaïque où Keith possède une villa depuis des lustres, mixage final un mois plus tard à Los Angeles. « Quand votre chanteur vous appelle, il faut toujours répondre présent », s'est amusé Keith Richards. « Nous avons peut-être été paresseux, et puis soudain, nous nous sommes dit : "fixons une date et faisons un album" », a résumé Mick. Les deux hommes semblent complices, joyeux, proches.
Hommage élégant à Charlie Watts
À une question lue par Fallon d'un fan qui leur demandait le secret de leur « mariage » après une si longue union, la réponse de Jagger est brève mais révélatrice : « Ne pas trop se parler ». Il le dit en regardant et charriant Richards, qui a l'air d'acquiescer. Comment évoquer les Rolling Stones sans mentionner le plus chouette des batteurs, le plus charmant des gentlemen, Charlie Watts, mort durant l'été 2021 ? C'est Keith Richards qui a pris le sujet à bras le corps, soulignant combien « le numéro 4 » leur manquait, mais révélant que ce dernier avait donné « sa bénédiction » pour que Steve Jordan joue à sa place. « Sans cet adoubement, cela aurait été bien plus compliqué », a ajouté Richards, sans s'appesantir outre mesure. Jagger, s'il a reconnu son émotion lors du premier concert sans Charlie, n'a pas montré la moindre parcelle de sentiment cet après-midi.
Les Stones, en plus de 60 ans de carrière, ont survécu, résisté, tenu, quand tant de leurs amis ou congénères périssaient en chemin : Brian Jones, Gram Parsons, Ian Stewart, Jimmy Miller, Anita Pallenberg, Bobby Keys, l'ami Bowie, la copine Tina Turner… Ils sont habitués à la mort, mais quand elle frôle de si près, l'effet doit provoquer une réaction. Cet album peut-être. Watts est tout de même présent sur une chanson enregistrée avant, en 2019, Leave by the sword qui, - quel exploit -, réunit la section rythmique originale du groupe. En effet, le placide Bill Wyman, 87 ans, bassiste qui a quitté le groupe en 1990, effectue son retour derrière la basse.
Pourquoi et comment se sont passées les retrouvailles ? De ces détails, l'audience sera privée, puisque aucun journaliste ne pouvait poser de questions. Jimmy Fallon assurait le show seul, virevoltant, énumérant les chansons, rigolant. « Je n'ai aucune idée de son sujet », ose même Keith Richards à propos de l'un des 12 morceaux. Bon enfant.
Feel good, telle a été l'ambiance de ces 20 minutes, pas une de plus, de discussion sympathique. Par la voix de Ron Wood, on a appris la participation de Stevie Wonder aux claviers et de Lady Gaga au chant sur Sweet Sound of Heaven. Aucune allusion à la rumeur la plus folle, celle de la présence sur l'album de Paul McCartney et de Ringo Starr, les ex-Beatles et rivaux historiques. Si elle existe, la surprise sera préservée jusqu'à la sortie de « Hackney Diamonds », le 20 octobre. À moins que les trois Stones n'en discutent plus amplement le lendemain, quelques médias ayant été sélectionnés pour un accès en tête-à-tête de 20 minutes, uniquement audiovisuelles ou numériques. Mais pas la presse écrite.
Ne pas bouder son plaisir
Quand Jimmy Fallon les a dévisagés et s'est extasié, à raison, car tout de même, un nouvel album des Rolling Stones en 2023, c'est inimaginable, Jagger a esquissé un sourire et simplement remarqué : « Si nous n'avions pas aimé ce que nous entendions, nous ne l'aurions pas présenté au public ». Avant de laisser échapper un petit souvenir, concernant leur toute première conférence de presse. « Dans un pub avec deux journalistes en face de nous, on leur a donné le disque et c'est tout ! ».
Keith Richards et Mick Jagger ont été colocataires dans leur jeunesse, dans un boui-boui londonien où il fallait mettre des pièces dans le chauffage pour qu'il fonctionne. À 80 ans pour Mick Jagger, Keith Richards atteindra cet âge canonique en décembre, ils sont à l'abri de tout, vaquant d'une villa aux Caraïbes à un château en Touraine, et pourtant ils repartent chercher l'approbation du public, des fans, de la critique, avec du matériel neuf ! C'est fabuleux. D'autant que Keith Richards, autre grande nouvelle du jour, a arrêté de fumer. Tout se perd.
Une fois ces trois hommes si minces, presque fluets, debout et envolés, sans rappel, une unique chanson a été diffusée, Angry, ainsi que son clip vidéo. La comédienne Sydney Sweeney, connue depuis sa participation à la série Euphoria, assise au premier rang dans la salle, sa mère non loin, en tient le rôle principal. On la découvre lascive en tenue très sexy, se trémoussant à l'arrière d'une décapotable qui roule sur Sunset Boulevard, à Los Angeles. Elle se pâme devant des panneaux géants où des photos des Stones plus jeunes s'animent en interprétant Angry. Une vision de la féminité toujours aussi réductrice et hilarante. La vieille époque des rockstars et des groupies leur manque peut-être, ce que Robert Frank avait su saisir dans son documentaire interdit, Cocksucker Blues en 1972…
Il n'empêche, c'est un clip malin, car la nostalgie n'a rien de mortifère, elle épouse le présent, s'y adapte et le renouvelle. À la fin du clip, les trois dinosaures surgissent tels qu'ils sont, âgés, marqués, la peau burinée, sans que ce soit pathétique. Au contraire. Et Angry alors ? Pas de quoi se fâcher. La chanson est bonne, énergique, entraînante, du rock pur et dur, le refrain s'incruste, la voix de Jagger toujours aussi fraîche. Mais ne nous emballons pas, aucune annonce de tournée à venir.
En repartant, les journalistes ont eu droit à un cadeau, un sac en toile contenant un t-shirt XL noir frappé du logo quelque peu déconstruit de la langue. Un collector, car qui sait si ce rendez-vous avec la presse mondiale ne fut pas le dernier.